Dans son n° 62, la Hulotte publiait une carte de tous les endroits où la Cardère cultivée avait été cultivée en France dans le passé. Voici cette carte — et les lettres reçues de nos lecteurs à son propos.



Quand la Cardère des villes était cultivée dans l’Aude

Dans la « Géographie élémentaire du département de l’Aude » (1875), Ditandy explique en 1875, à propos du Chardon à foulon : « Le chardon, qui demande des terres argileuses et fortes, a cessé d’être en faveur. Il épuise le sol et, depuis le ralentissement sensible de l’industrie drapière, il n’est plus d’un aussi bon rapport. On en trouve cependant à Donazac et à Alaigne, et beaucoup encore à Brézilhac.
Un vieil habitant de Brézilhac m’avait indiqué que cette culture, qui était très appréciée dans son village aux alentours de 1870 (une quarantaine d’hectares) fut abandonnée vers 1900.
Il se semait assez épais dans une terre qui recevait en même temps une culture de maïs. Il restait 3 ans sur pied. Une fois cueilli on le laissait sécher au soleil

Courrier de H. Castel (11) reçu en septembre 1989


Dans la vallée de la Durance

Vous pourriez sur votre carte ajouter un point : Charleval, 1970 (Bouches du Rhône, canton de Lambesc).
Charleval se trouve dans la vallée de la Durance. J’y ai ramassé des chardons à foulon avec mon père jusqu’en 1970, année où tous les paysans ont arraché les plantations parvenues à maturité parce que, si je me souviens bien, les Russes auxquels les remises d’expéditions de Cavaillon et Avignon envoyaient les chardons, avaient signé des contrats plus avantageux avec l’Espagne. Bien que disparus complètement du paysage agricole depuis, quelques chardons cultivés poussent encore à l’état sauvage dans certains endroits du bord de la Durance.

Courrier de Mme MONTEIL (75)
reçu en 1990

Au pied de la Montagne Noire

A la page 17 de votre n° 62, vous avez rassemblé les différents endroits de France où la Cardère avait été cultivée. J’ai une petite information pour la compléter, si cela peut vous être utile.
Dans l’ouvrage de Ch. Portal, « Le Département du Tarn au XIXème siècle », Albi, 1912, à propos des cultures autres que céréalières, il est précisé qu’en 1892 étaient recensés « 8 ha de chardon à foulon (30 quintaux valant 1 305 F.) ». Selon toute vraisemblance, cette culture devait être faite dans les environs de Castres, haut lieu du textile cardé.
Comme votre carte indique pour cette région « Lauragais, XVIIème s. », je tenais à vous communiquer le fait qu’un peu plus au nord, au pied de la Montagne Noire, la tradition du Chardon à foulon s’est perpétuée au moins jusqu’au XIXème siècle.

Courrier de Catherine CHARLES (33) reçu en 1995.


en Alsace et en Allemagne

Dans la Flore Vogeso-rhénane de Frédéric KIRSCHLEGER, publiée en 1870, on trouve, à la page 261, cette notice sur la Cardère cultivée : « Cultivé en grand dans quelques cantons, notamment à Bischwiller, Hoerdt, (Ober)Rausbergen pour l’usage des cardeurs de laine ». Son nom allemand était : Weberkarden.
Bischwiller était le grand centre lainier du Bas-Rhin, ce qui explique que dans les années 1920, un de mes amis se souvient d’avoir vu dans une usine textile de grands tas de têtes de cardère.

D’après l’Encyclopédie allemande de Krünitz (ouvrage du début du XIXème siècle),
la Cardère était cultivée dans les régions de Halle, Leipzig et en Silésie . La Silésie l’exportait jusqu’à Dantzig, mais une chute de la production était déjà sensible.
En Grande-Bretagne, elle était cultivée dans la région de Wrington en Somerset, et en Essex.

Courrier reçu de Ch. WOLFF, Conservateur des Archives du Bas-Rhin en mai 1989

[Encyclopédie consultée par M. Jean Vogt ; géographe, historien des cultures]


Dans les environs d’Aubigny

A Aubigny, aux XVIème et XVIIème siècles, l’industrie du drap, était florissante et faisait la richesse de la ville : «  «  les pièces de laine, dégouttant l’eau des foulons […] étaient cardées avec les têtes de cardères, ce qui leur donnait un merveilleux et inimitable aspect soyeux.(…)
La culture de la Cardère, stratégique pour notre industrie locale, était protégée et encouragée. En 1714, les échevins d’Aubigny confirmèrent l’interdiction d’exporter les chardons. (En 1666, Colbert n’autorisait pas l’exportation de cette précieuse culture, car la province du Berry en produisait en quantité à peine suffisante pour l’entretien des manufactures.) On nommait à l’époque les champs de cardère des cardonnières. »

Extrait du Journal de Gien du 30 mai 1996, transmise par Martial PONCET