« Chère Hulotte,
Permets-moi de t’adresser un tout petit reproche à propos de
l’admirable numéro 68/69 consacré à la Taupe : nulle part n’y
figure la moindre allusion à deux termes d’argot scolaire qui
sont pourtant chers au cœur de générations de savants
français : la Taupe (autrement dit math’spé, classe préparatoire
aux « grandes (?) » écoles scientifiques) et les Taupins (élèves
de ladite classe).
Je ne sais au juste quelle est l’origine de ces mots, mais
j’imagine qu’ils ont été créés pour évoquer des garçons
lunetteux (myopes comme des taupes !) travailleurs acharnés
(ils sont censés remonter à la surface, lors des concours, des
tonnes de connaissances…), enfouis pendant un ou deux ans,
sans jamais sortir prendre l’air, dans le labyrinthe des maths
et de la physique ! »
A.-M. Chanet

Il est vrai que pour les mots « Taupe » et « Taupin » dans le sens
que vous évoquez, on s’imagine volontiers un lien avec la vie
presque souterraine et laborieuse de garçons rendus myopes par
leurs nombreuses et savantes lectures.
Pourtant l’origine réelle de ces mots est tout autre. A lire l’excellent
Dictionnaire historique de la langue française (dirigé par Alain Rey,
chez Robert), c’est en remontant au XVème siècle que l’on
comprend le glissement de sens progressif qui a abouti à cette
expression : à cette époque, un taupin était le « mineur qui sape
les murs d’une ville ». Taupin a désigné à la fin du XIXème siècle
(1886) un soldat du génie, poseur de mines.
Par ailleurs, les officiers du Génie étant  issus de Polytechnique,
le mot «Taupin » a évolué vers le sens d’« élève se préparant à
Polytechnique (1841), avant de se dire de tout élève de
mathématique spéciales ». D’où « Taupe » pour désigner
l’ensemble de ces taupins (1888), et (signification datée de 1932),
classe de mathématiques spéciales (d’où « hypo-taupe » pour la
classe de maths -sup, qui y prépare).
Le rapport avec la taupe est donc lointain, lié au travail souterrain
de ces soldats de génie poseurs de mines.